Les paysans pris en otage
Personne ne peut nier que l’agriculture suisse contribue à la sécurité de notre approvisionnement alimentaire.
Personne ne peut nier qu’une agriculture de proximité contribue à lutter contre la pollution de la planète et le réchauffement climatique.
Personne ne peut nier que les pressions sur les prix des matières premières agricoles sont de plus en fortes, alors que les marges des grands distributeurs se portent pour le mieux.
Personne ne peut nier que beaucoup d’agriculteurs suisses ont un revenu insuffisant pour vivre décemment, malgré le grand nombre d’heures de travail.
Personne ne peut nier que le problème a atteint la cote d’alerte avec l’augmentation du nombre de suicides de paysans.
Pourtant… Depuis 2011, à la suite d’une décision du Tribunal fédéral qui a modifié du jour au lendemain, sans aucun débat démocratique, l’interprétation d’une disposition légale, les agriculteurs qui veulent vendre un bien, un immeuble ou un terrain, situé en zone non agricole, voit désormais la transaction taxée comme un revenu. C’est-à-dire jusqu’à 50% de sa valeur. De quoi mettre sur la paille de nombreux paysans…
Et que se passe-t-il ? Rien. En janvier dernier, le Grand Conseil a dû voter, à l’unanimité moins trois abstentions, une résolution demandant au Conseil d’Etat de « réintervenir » auprès du Conseil fédéral dans cette triste affaire. Cela fait maintenant six ans que ça dure.
En décembre, le Conseil des Etats a rejeté la solution législative adoptée par le Conseil national. Pour des motifs qui n’ont rien à voir avec la situation réelle de nombreux paysans, qui se retrouvent pris en otages. C’est un exemple de plus de l’aveuglement et de la surdité des élites (le Conseil des Etats n’est-il pas souvent qualifié de Conseil des sages ?) à l’égard des préoccupations de la population. Ce qui ne les empêche pas de s’étonner ensuite de la montée du mécontentement populaire et des populismes qui s’en nourrissent. Si l’on veut ne veut pas tuer notre agriculture, il faudrait arrêter de marcher la tête à l’envers.
Fabrice Dunand